LA SCIENCE EST-ELLE UN ART ? 1/3 VASARI VERSUS RIEGL

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 Cette publication entame une série de trois billets sur le lien art-science tel qu’il émerge de la pensée de Paul Feyerabend. Cette pensée s’est incarnée de multiples manières. Nous retenons dans un premier temps, pour cette première série de publication, la conférence qu’il a donnée à l’école Polytechnique de Zurich, le 7 juillet 1981. Cette conférence est titrée La science en tant qu’art. Elle est soutitrée : Critique de la théorie de l’art développée par Riegl et tentative de l’appliquer aux sciences *.

Paul Feyerabend est né en 1924. Il est mort en 1994. Il fut d’abord un philosophe des sciences, une discipline qu’il enseigna dans de nombreuses universités de par le monde, et notamment à Berkeley, en Californie, aux USA. Mais un philosophe des sciences profondément iconoclaste. Ses recherches l’ont amené à remettre en cause de nombreux dogmes de la pensée scientifique. Paul Feyerabend est notamment célèbre pour son livre Contre la méthode (1975), où il argumente qu’il n’y a pas de méthode à proprement parler, en science. Tous les principes essentiels de la pensée scientifique ont été violés par les plus grands scientifiques, à différents moments de l’histoire, explique-t-il. Cette posture critique l’a amené à dépouiller progressivement la science de tous ses attributs, jusqu’à qu’il ne reste au final plus grand chose de spécifique à la pensée scientifique, et cette question se pose alors : quelle différence avec l’art ?

Dans la conférence de Zurich, il adresse spécifiquement cette question, avec une conclusion qui est surprenante pour nos esprits occidentaux, habitués au cloisonnement des disciplines : la science est un art !

Parce que cette réponse heurte nos préjugés, et surtout parce qu’elle éclaire le lien art-science d’une lumière neuve, il nous a semblé intéressant de la digérer pour en faire la matière d’une série de publications pour le blog salve d’avenir.

Le premier billet expose la vision de Riegl de l’art, qui sous-tend le raisonnement de Feyerabend. Nous montrerons en particulier comment cette vision s’oppose à l’idée d’un progrès en art. Le second billet examinera dans quelle mesure nous pouvons transposer le raisonnement de Riegl à la science. Enfin, le troisième billet conclura sur le statut de la science au regard de l’art.

 

1 | Vasari où la ligne

La première tentative de penser le rapport entre art et science, nous dit Feyerabend, est celle de Giorgio Vasari, dans son ouvrage Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (1568). Pour Vasari, l’être humain est intégré dans un cosmos où il arrive, ignorant de tout. À mesure qu’il distingue les différents éléments de ce cosmos, cet être apprend, et il développe une conception de la réalité. Cette conception devient progressivement de plus en plus juste.

Il y aurait donc un progrès en art, depuis l’homme de Lascaux jusqu’à Michel-Ange vers une représentation de la réalité toujours plus précise. Dans cette conception, chaque artiste, et même chaque œuvre, serait une tentative pour se rapprocher un peu plus de la vérité du monde.

L’invention de la perspective monofocale centrée par Filippo Brunelleschi et son utilisation dans la représentation picturale est emblématique de cet effort. Feyerabend cite Antonio Manetti lorsque celui-ci rapporte une expérience qu’il a faite à Florence, en 1425. L’expérience consiste à comparer un tableau peint par Filippo Brunelleschi, avec le paysage qu’il représente : l’extérieur du baptistère San Giovanni, à Florence. Lorsqu’on place son œil en un point précis devant ce paysage, nous dit Antonio Manetti, et que l’on cache l’autre avec sa main, ce tableau est indistinguable de la réalité. Pour Vasari, qui fut un contemporain de Filippo Brunelleschi, l’introduction de la perspective dans la peinture représente le dernier jalon d’un progrès tenace, continu, inéluctable vers plus de fidélité.

Bien sûr, Vasari avait noté l’existence de périodes historiques où l’art ne semble pas progresser vers plus de raffinement. La période classique de l’âge de la pierre a été suivie par une phase de schématisation croissante, en rupture avec la volonté de réalisme antérieure : « les détails disparaissent, les œuvres frappent par leurs contours grossiers. » Ces périodes sont pour Vasari des moments de régression temporaires. Ce sont des parenthèses de décadence à l’intérieur d’un mouvement globalement cohérent vers une représentation toujours plus fidèle.

La conception vasarienne de l’art est frappante en cela qu’elle correspond précisément à la conception que l’on a de la science, aujourd’hui. La science, dans la perception qu’on en a couramment, est cet effort vers une description toujours plus fine, toujours plus précise, toujours plus véridique de la réalité. Chaque article scientifique, vient après tous les autres pour ajouter à notre compréhension du monde. Il s’inscrit dans un grand continuum de progrès vers la vérité du monde.

Précisément, pour Vasari, l’art et la science sont semblables. Les moyens diffèrent, mais l’objectif est commun. Ils tendent tous les deux vers un niveau toujours plus élevé de connaissance et de représentation du monde.

Il ne faut pas être dupe, nous explique Feyeraband, de la dimension politique de cette conception de l’art. À l’époque de Giorgio Vasari, la peinture est moins bien considérée que les autres arts. En mettant l’art pictural au même niveau d’ambition que la science, Vasari cherche à rehausser le prestige de la peinture.

Peu importe l’intention de Vasari, au fond, car elle n’est qu’un prétexte. Cette conception perdurera très longtemps. D’ailleurs, elle perdure encore. Qui n’a jamais entendu quelqu’un s’indigner du fait qu’un tableau contemporain soit autant considéré qu’un tableau classique « alors que les tableaux classiques demandent une technique bien plus grande ». Idem pour la musique atonale.

Cette remarque n’est pas aussi anecdotique que l’on pourrait penser, car le débat sous-jacent est celui d’une hiérarchisation des œuvres. Si, comme le pense Vasari, l’art a pour but de représenter la vérité du monde, alors toutes les œuvres peuvent se juger à l’aune de ce critère. On aurait un moyen objectif de juger que Michel-Ange est meilleur que l’homme de Lascaux. On aurait des arguments pour affirmer que l’art africain, par exemple, est moins bon que l’art occidental.

Le mouvement intellectuel de Vasari consiste à rabattre l’art sur une ligne. Cette ligne est graduée, comme une échelle. Cette graduation est le critère que retient Vasari pour juger des œuvres : la vérité de la représentation. En bas de l’échelle, l’homme de Lascaux, en haut de l’échelle, Michel-Ange. Entre les deux : toutes les autres œuvres. Bien sûr, aucune œuvre ne touche jamais la vérité, mais certaines s’en rapprochent plus. Avec Vasari, on peut donc dire : « telle œuvre est plus haute que telle autre » car elle est plus proche de la vérité du monde. Ou bien « telle œuvre est dégénérée », car elle se positionne très en dessous de telle œuvre plus ancienne.

 

2 | Riegl ou la surface

Aloïs Riegl, dans son livre titré L’artisanat du Bas-Empire romain, est le premier dans l’histoire de l’art à s’être attaqué frontalement à la conception vasarienne. En étudiant avec beaucoup d’attention l’une de ces périodes de prétendues régressions artistiques, il a pu montrer qu’il n’en était rien. Le style du Bas-Empire romain, nous dit Aloïs Riegl, est issu d’une réflexion claire. On peut distinguer des règles et une logique. Autrement dit, l’art du Bas-Empire n’est pas le résultat d’un défaut de talent, de capacité ou de rigueur, mais bien le résultat d’une volonté artistique spécifique.

Bien sûr, il s’agit d’une inversion complète de valeur. Pour Vasari, l’art évolue continument : les discontinuités que l’on observe dans l’évolution des styles sont des accidents correspondant à des régressions temporaires. Pour Riegl, l’art n’évolue pas continument : les discontinuités sont des ruptures. Elles sont le signe de l’apparition d’un nouveau style qui ne peut pas se comparer avec l’ancien.

« Le faucon représenté sur le trophée du roi Narmer (première dynastie vers -2900) est très vivant. Le faucon de la tombe du roi Ouadji (également première dynastie) est plus raide, stylisé, il ne donne pas cette impression de vie si chère à Vasari, sans qu’on puisse pour autant y voir un signe de décadence. L’œuvre est parfaitement maîtrisée, sa raideur n’est pas un défaut, mais le signe d’une concentration extrême.

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Fig. 1. Palette de Narmer. Musée archéologique du Caire. © dinosoria.com.

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Fig. 2. stèle du “Roi Serpent” (“Horus Ouadji”) © Le Louvres.

Qu’est-ce qu’un style en art ? La réponse n’est pas explicite dans le texte de Feyerabend, mais on peut s’avancer. Un style, c’est une école de pensée caractérisée par une volonté semblable et des règles de représentations communes. C’est un ensemble de conventions de représentations que l’on retrouve d’un artiste à l’autre. Bref, un style, ce sont des principes communs.

Riegl admet donc un autre critère pour juger de l’art : la cohérence formelle. Ce critère n’est pas celui de Vasari. Mais, en vérité, ce n’est pas juste une question de critère. Le mouvement intellectuel de Riegl est profondément différent de celui de Vasari. Il consiste à rabattre l’art sur une surface. Cette surface est un patchwork d’écoles de pensée artistique séparées les unes des autres par des lignes de rupture. À l’intérieur de chacune de ces écoles, la trame sous-jacente est commune : on peut établir une mesure. On peut comparer, par exemple, deux artisans du bas empire romain. On peut affirmer que Michel-Ange est supérieur à Raphaël, ou l’inverse.

Mais ces lignes de ruptures sont tellement profondes dans la surface de l’art, qu’elles affectent la trame sous-jacente à la représentation artistique. Dès lors, cette surface ne contient aucune mesure commune :  les styles sont incommensurables. Les écoles de pensée artistiques sont incomparables. Elles cohabitent sans hiérarchie possible. Michel-Ange n’est pas supérieur à l’homme de Lascaux. L’art africain n’a pas moins de valeur que l’art occidental. Il n’existe pas d’œuvre dégénérée parce qu’il n’existe pas de gêne commun.

 

3 | A propos de la compatibilité des conceptions de Vasari et de Riegl

À maints égards, la conception de Riegl est déroutante. D’après Riegl, la Femme en bleu de Fernand Léger, et le portrait de Faraday par Richmond ne peuvent se comparer. Or, il nous semble que le deuxième rend mieux compte de la réalité. Nous pourrions reconnaître Faraday d’après ce portrait, si nous le croisions, alors que nous ne pourrions pas reconnaître la femme que Léger a représentée.

 

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Fig. 3. Femme en bleu de Fernand Léger.

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Fig. 4.  le portrait de Michael Faraday par Georges Richmond

On pourrait imaginer concilier les conceptions de Vasari et de Riegl. On pourrait affirmer, par exemple, que le tableau La femme en bleu est une tentative de s’échapper de la réalité pour mieux y revenir. Il s’agirait alors non pas d’une régression, mais d’un mouvement de décalage volontaire, comme une digression, ayant pour but d’éclairer différemment la réalité pour enrichir la représentation, in fine. Alors, on pourrait garder la conception vasarienne d’un progrès en art et en même temps la conception riegelienne de styles incomparables.

Si elle était juste, cette tentative de conciliation donnerait aux différentes écoles de pensée artistique un statut comparable aux mathématiques dans les sciences, c’est-à-dire un espace de jeu où l’on développe des formes uniquement en fonction de leur perfection formelle.

De fait, il est arrivé que des mathématiciens travaillant sur des formes très abstraites, absolument éloignées de la réalité dans la perception immédiate qu’on en a, ont donné des outils aux physiciens pour mieux représenter la réalité. Ces mathématiciens ont permis de découvrir des aspects de la réalité qui avaient été déformés, voire entièrement dissimulés par le mode de représentation classique, figuratif. Parce que les mathématiques pures ont permis ces découvertes, elles constituent des instruments essentiels permettant une compréhension plus approfondie de la réalité.

Dans cette tentative de conciliation, les différents styles artistiques seraient des divagations formelles. Ils seraient un moyen, certes détourné, mais un moyen tout de même, de raffiner notre compréhension du monde.

Cette vision n’est pas tenable. Car Riegl ne distingue pas deux catégories d’art : l’une qui chercherait la vérité et l’autre qui chercherait la cohérence formelle. Il abolit toute possibilité de les comparer. L’étude du monde réel, affirme Feyerabend, consiste à « sélectionner, parmi un grand nombre de formes comparées à la réalité, certaines formes précises, l’idéal étant d’arriver à dégager une forme précise. Un art qui se fixe pour objectif de saisir et représenter la réalité ne peut donc s’accommoder du relativisme esthétique énoncé par Riegl. »

Une autre tentative de concilier la vision de Vasari et de Riegl consisterait à introduire le critère de vérité dans chacun des styles. Il n’y aurait pas une seule mais plusieurs quêtes de vérité et d’exactitude. Chaque style poursuivrait fondamentalement le même but, tout en se soumettant à une série de règles additionnelles différentes. Cela revient à ajouter le critère de fidélité à la réalité au critère de cohérence formelle pour juger des œuvres.

Mais cette deuxième tentative de conciliation se heurte à une difficulté fondamentale : où l’artiste trouve-t-il la réalité qui est censé lui servir de référence ? Pour l’artiste, comme pour tout être humain, il n’y a pas d’un côté la réalité et de l’autre les représentations de la réalité. L’artiste est plongé dans une représentation de la réalité comme il est plongé dans l’air qu’il respire. « Dès lors qu’il porte un jugement ou opte pour une perspective différente, soit il rejoint une production humaine existante, soit il donne lui-même naissance à une œuvre par le simple fait qu’il émet un jugement et qu’il accomplit tous les actes liés à l’expression d’une opinion. »

On pourrait objecter que toutes les écoles de pensée ne sont pas équivalentes. Il existe au sein de toute culture une référence pour ce que cette culture appelle la vérité de la réalité. Chacun de nous ressent clairement que certaines écoles de pensée sont plus proche de représenter la réalité que d’autres. Dans notre culture, par exemple, l’école de pensée scientifique est considérée comme la plus susceptible de représenter la réalité telle qu’elle est. Si donc la réalité n’existe pas indépendamment de l’artiste, il existerait toutefois quelque chose qui s’en rapproche grandement : c’est (pour nous) la représentation scientifique du monde. Il suffirait pour l’artiste de s’inscrire dans cette école de pensée pour rapprocher son œuvre de la représentation de la réalité.

Feyerabend ne nie pas cette classification, mais il nie qu’elle ait une valeur objective. La référence existe, mais elle est culturelle : « À partir où elle possède une certaine universalité, toute tradition juge les choses à sa manière. Nous trouvons naturels la photographie d’une maison ou son plan en perspective, alors qu’une personne qui n’est pas familiarisée avec les lois de la perspective y verra un bâtiment en train de s’écrouler. »

Ainsi, nous serions convenus que la représentation scientifique est celle qui rend le mieux compte de la réalité, c’est tout. Selon Feyerabend, il n’y aurait rien d’objectif à cela. Il n’existerait aucun argument pour affirmer que la science décrit mieux la réalité que la religion, par exemple. Bien sûr, cette pensée est choquante. Elle nécessite qu’on l’amplifie pour la comprendre.

Il est facile de se convaincre que les représentations scientifiques ne sont pas fidèles à la réalité. Elles ne représentent jamais la réalité dans toute l’étendue de ce mot. Prenons l’exemple de l’illustration Fig 3. Qui peut croire que cette représentation est réaliste ! Non seulement il s’agit d’une représentation appauvrie (sans couleur, sans temps, sans odeur…), mais elle présente des conflits avec d’autres aspects de la réalité. Enfin, on note de nombreuses lacunes. On est bien obligé d’admettre que les représentations scientifiques sont toujours grossières, schématiques, incomplètes.

 

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Fig. 5. Illustration tirée du Traité de l’homme par Descartes (1664).

Mais ce n’est pas suffisant pour convaincre les partisans de la science du caractère subjectif de leur choix, car leurs arguments s’attachent à ce que ces représentations permettent, plus qu’à ce qu’elles sont. La représentation scientifique serait plus vraie que les autres parce qu’elle permet une meilleure maîtrise de la nature.

Bien sûr, la représentation scientifique du monde nous permet de mieux maîtriser la nature. La question n’est pas de savoir quelle école de pensée à l’intérieur du critère « mieux maîtriser la nature » est la meilleure, mais bien plutôt, d’où vient-il que ce critère soit décisif ? Comment se fait-il que ce qui permet de maîtriser la nature est aussi ce qui est vrai ? La réponse est simple : c’est un choix culturel, historique, politique. C’est principe de classification parmi d’autres.

Nous aurions pu décider que le critère décisif de classification des écoles de pensée est « mieux respecter la nature ». Alors, à ce compte-là, l’école de pensée jaïniste serait probablement considérée comme la plus proche de représenter la réalité. Elle serait dominante. Il y aurait des écoles de jaïnisme un peu partout. Les jains occuperaient des postes de pouvoir. Les scientifiques seraient les disciples d’une communauté de pensée marginale, obsédés qu’ils sont par le désir étrange de vouloir à tout prix dominer la nature.

Nous aurions pu décider que le critère décisif de classification des écoles de pensée est « libérer l’homme de la matérialité ». En ce cas, telle religion aurait pris toute la place. Etc.

« Le fait que notre époque soit visiblement dominée par une conception unique de la nature ne doit pas nous faire croire que nous avons enfin trouvé « la » réalité. Cela signifie simplement qu’aucune autre forme de réalité ne trouve actuellement d’amateurs, de partisans, de défenseurs – non pas que les autres conceptions ne valent rien, mais on ne les connaît pas ou on ne désire pas les découvrir. »

Et Feyerabend de conclure : « Même en partant du lien à la réalité, notre discours rejoint en fait la position défendue par Riegl. (…) Nous avons affaire non seulement à différentes formes d’art, mais aussi à différentes formes de pensée, de vérité, de rationalité et également à des formes de réalité. Où que nous tournions nos regards, nous trouvons non pas un point archimédien, mais d’autres styles, traditions et principes de classification. »

 

3 | Conclusion provisoire

L’apport de Riegl est considérable. Il est celui qui a démontré qu’il n’y a pas de progrès en art. Les artistes ne sont pas tous engagés dans une seule et même course, qui aurait pour objectif de représenter le plus fidèlement possible la réalité. C’est donc la vision d’un patchwork de styles, c’est-à-dire d’écoles de pensées, qui émerge. Ces écoles de pensée représentent des volontés artistiques différentes. Elles sont parfaitement cohérentes même si elles sont incompatibles. On peut juger une œuvre à l’intérieur des paradigmes qui sous-tendent son style, mais deux œuvres appartenant à deux styles différents sont incommensurables.

Le prochain post tentera d’appliquer cette analyse à la science. Nous nous demanderons dans quelle mesure on peut parler de progrès en science. Il s’agira d’envisager la science telle que nous la connaissons comme un style particulier, une école de pensée spécifique, parfaitement cohérente, mais incommensurable avec les autres écoles de pensée.

Miguel Aubouy

* La science en tant qu’art (Albin Michel, 2003).

crédit photographique : Breno Machado (unsplash.com)